Avec le Brexit, le Royaume-Uni devient un pays tiers à l’Union Européenne dont la France fait partie, et quitte son espace judiciaire. Parmi les questions récurrentes, celles du devenir des contrats conclus avec les entreprises situées au Royaume-Uni, et celles des nouvelles règles applicables.
Si le principe est que la validité juridique des contrats en cours n’est pas remise en cause, il est toutefois et ainsi que le préconise le gouvernement (brexit.gouv.fr) préférable de réaliser un audit complet des contrats en cours vous liant avec un client ou un fournisseur installé au Royaume-Uni.
Contenu du contrat
D’une façon particulière, il convient d’opérer une distinction selon la nature juridique des contrats : contrat de vente de marchandises, contrat de prestations de service, contrat de louage d’ouvrage, contrat d’agent commercial etc… En fonction de la nature du contrat, il conviendra de vérifier les directives européennes qui ont été transposées en droit anglais et qui demeurent (puisque intégrées dans la loi anglaise) ; les règlements européens qui ne sont plus applicables directement par définition ; de vérifier la nouvelle réglementation britannique si elle existe (cf infra par exemple sur la vente de marchandise et le nouveau marquage). Aussi, il faudra auditer chaque clause, l’étude du contrat étant beaucoup plus complexe qu’elle n’y parait.
Plus généralement, les parties à un contrat commercial devront être attentives aux clauses d’attribution de juridiction mais surtout à la clause d’élection de la loi applicable. En effet, toute clause faisant référence au droit européen devra être modifiée, et préciser la loi applicable (loi britannique ou celle d’un état membre de l’UE).
Le Brexit entrainant une hausse des droits de douane notamment, certaines entreprises doivent prévoir au sein de leur contrat une clause d’adaptation des prix.
Ces dernières doivent également impérativement s’interroger sur l’INCOTERM utilisé. Un Incoterm mal défini, ou non négocié peut avoir des conséquences irréversibles sur les relations contractuelles et entrainer une charge financière extrêmement conséquente.
Contrat de distribution – Circulation des marchandises – Marquage CE
Pour les produits français exportés au Royaume-Uni :
Pour toute entreprise qui exporte des produits vers le Royaume-Uni, ces derniers devront être conformes à la législation britannique applicable.
Depuis le 1er janvier 2021, le Royaume-Uni dispose d’un nouveau marquage UKCA (Le marquage CE cessera d’être reconnu au Royaume-Uni à partir du 1er janvier 2022).
Ce nouveau marquage devra impérativement être utilisé à compter du 1er janvier 2021 si le produit répond aux conditions suivantes :
- il est destiné au marché britannique ;
- il est couvert par une réglementation qui exige le marquage UKCA ;
- une évaluation obligatoire de la conformité par un organisme tiers est exigée ;
- l’évaluation de la conformité a été réalisée par un organisme britannique, et les dossiers d’évaluation n’ont pas été transférés à un autre organisme reconnu par l’UE avant le 01/01/2021.
Ainsi, les distributeurs qui font entrer des produits de l’UE sur le marché britannique sont soumis à de nouvelles obligations :
- obligation d’étiqueter leurs produits avec leur nom et leur adresse, et conformément au droit anglais (possibilité d’utiliser une langue étrangère mais avec une traduction obligatoire en anglais etc…) ;
- porter le marquage de conformité UKCA.
Pour les produits en provenance du Royaume-Uni
Les produits du Royaume-Uni importés dans l’UE qui deviennent des produits tiers ne peuvent être mis sur le marché en France qu’à la condition qu’ils respectent les règles de sécurité et de conformité européennes applicables.
Il convient donc pour toute entreprise fabricant ses produits en Angleterre ou important des produits depuis ce pays d’être particulièrement attentif.
Les fabricants britanniques ont cessé d’utiliser le marquage CE depuis le 31 décembre 2020.
Dans ces conditions, si une entreprise importe depuis le Royaume-Uni des produits dans l’UE, ces produits devront continuer d’être conformes à la législation européenne pour être mis en circulation sur le marché européen.
L’importateur devra notamment :
- s’assurer que les biens importés répondent bien aux exigences de la législation européenne, notamment que les procédures d’évaluation de la conformité ont été réalisées par un organisme établi dans l’UE27 et non au Royaume-Uni ou que les produits importés bénéficient bien d’une autorisation de mise sur le marché dans l’UE ;
- se renseigner et se mettre en conformité le cas échéant avec les nouvelles obligations incombant en tant qu’importateur au titre de la législation applicable au bien importé (licence d’importation, étiquetage, déclaration UE de conformité, documentation technique…).
Sort des contrats ne pouvant plus être exécutés du fait du Brexit
Comme indiqué en préambule, le Brexit n’invalide pas le contrat. Toutefois, Imaginons le cas d’un contrat dont l’obligation principale est transformée de manière radicale, ou dont l’exécution devient impossible du fait du Brexit.
Dans ces cas, il sera possible (en fonction de la loi applicable choisie par les parties) d’invoquer les dispositions relatives à la force majeure ou à l’imprévision codifiées aux articles 1218 et 1195 du Code civil (en cas d’application de la loi française), ou bien encore les dispositions relatives à la théorie de la frustration (en cas d’application de la loi anglaise).
Conséquences sur l’exécution des décisions de justice
Pour les actions introduites avant le 1er janvier 2021 : les règlements Bruxelles I et Bruxelles II (prévoyant que les jugements rendus en matière civile et commerciale par les juridictions d’un état membre de l’UE font l’objet d’une reconnaissance automatique et bénéficient de plein droit de la force exécutoire dans les autres États membres de l’UE) restent applicables.
Pour les décisions rendues par les juridictions anglaises devant être exécutées en France :
Pour les actions introduites à compter du 1er janvier 2021, la Convention de la Haye du 30 juin 2005 sur les accords d’élection de for s’appliquera. Il se pourrait que le Royaume-Uni ratifie la convention de Lugano sur la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, déjà ratifiée par l’UE, la Suisse, la Norvège, l’Islande.
Cependant, si tel n’est pas le cas, ce sera le droit commun de l’exequatur qui s’appliquera, après que le juge français aura vérifié que les décisions de justice rendues par les juridictions du Royaume Uni ont été régulièrement rendues et qu’elles sont conformes à l’ordre public international.
Pour les décisions rendues par les juridictions françaises devant être exécutées en Angleterre :
En l’absence de conventions internationales ou bilatérales, la reconnaissance au Royaume-Uni d’une décision française sera soumise au droit commun anglais et donc au Foreign Judgments (Reciprocal Enforcement) Act 1933.
Il conviendra alors de demander à une juridiction anglaise de procéder à l’enregistrement de la décision. A cette fin, de nombreux documents devront être fournis dont la copie authentique de la décision ainsi que sa traduction en langue anglaise dûment certifiée, et une déclaration de témoin. L’acte d’enregistrement, qui fixe un délai pendant lequel l’autre partie peut contester l’enregistrement de la décision, devra ensuite être signifié à l’autre partie. En l’absence de contestation soulevée dans le délai, la décision étrangère pourra être exécutée et aura force exécutoire.
Cet article a été préparé uniquement à titre informatif. Il ne remplace pas les conseils juridiques. Vous ne devez pas solliciter une action en justice sur la base des informations contenues dans le présent article sans avoir préalablement sollicité des conseils professionnels et personnalisés en fonction de votre propre situation.